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20 octobre 2011 4 20 /10 /octobre /2011 11:22

Leafie, Oh Seong-yoon, 2011

 

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Logique dans sa volonté d'offrir aux parisiens un panorama complet du cinéma coréen, le Festival Franco-Coréen du Film 2011 se bouclait ce mardi 18 octobre avec un film d'animation du nom de Leafie, allée grand public, rayon pour enfant. C'est vraiment pas bien méchant, c'est plein de couleurs bien saturées, on est à des années lumières d'un Aachi & Ssipak, on en reparlera.

 

Rendez-vous est donné à 20h au cinéma Saint André des Arts et après un petit délai tout ce qu'il y a de plus « franco » on entre dans la salle à la suite de l'ambassadeur de Corée. Je dis « on », parce que je m'assois entre David Tredler de l'impossible blog ciné (on ne lui toujours pas offert son twix d'ailleurs, ça va finir par jaser) et un ami à lui qui revient de Corée. Sans Congo est resté chez lui goûter un repos bien mérité.

 

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La salle est pleine, le cérémonial commence, on attribue le prix Mubi du court métrage à Space Radio et le prix FlyAsiana à Make Up, les deux sont encore en ligne jusqu'à la fin du mois. On aura peut-être l'occasion de faire un article là dessus mais en attendant la fin du mois ne va pas vous attendre alors voilà les liens :

 

 

 

http://mubi.com/films/space-radio


http://mubi.com/films/make-up

 

Une cérémonie de clôture c'est l'occasion de remercier tout le monde (on applaudit bien fort l'équipe des schtroumphs du FFCF) mais aussi l'heure des bilans : une fréquentation en augmentation de 75% par rapport à l'année dernière, plusieurs séances combles et des films sélectionnés récompensés en parallèle en Corée par l'un de leurs équivalents des Césars : Bleak Night meilleur premier film, Kang Hyeong-cheol (Sunny) meilleur réalisateur. Quand on vous disait que lorsque Pierre Ricadat conseille un film il faut aller à le voir sans brocher... faut croire qu'on l'écoute jusqu'en Corée. Putain, j'allais oublier l'épisode marquant du passage « remerciements » : petite surprise des organisateurs, Jung Yumi est présente lors de cette cérémonie de clôture, et surtout Jung Yumi est juste derrière nous ! Bon je ne vais pas jouer les fans boys, j'ai vu très peu de ses films, je ne suis vraiment pas fan d'Hong Sang-soo et j'étais malade lors de la session où elle rencontrait le public. Mais bon, ça fait un petit quelque chose. Le frisson suivant, c'est Dong-suk qui le provoque, en annonçant qu'il s'agissait du dernier épisode du FFCF. Quoi ? Dernier épisode, dernière séance non ? Non, il insiste, c'est bien le tout dernier FFCF. Merde, sans prévenir, comme ça, c'est pas poli... N'en faisons pas plus, en fait le festival change de nom pour un truc plus lisible : le Festival du Film Coréen de Paris. Bravo tout le monde, clap clap clap, à l'année prochaine, le film commence.

 

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Leafie, c'est l'histoire d'une poule qui en a marre de pondre des œufs à la chaine et qui rêve de vivre dans la basse-cour. Leafie c'est d'abord un livre vendu écoulé à plus d'un million d'exemplaires. Leafie, c'est ensuite 6 ans de boulot et plus de 2 millions d'entrées en salle en Corée. Leafie, c'est l'affirmation de l'animation coréenne qui refuse de plus en plus de se contenter de jouer les sous-traitant pour les américains et les japonais. Leafie c'est aussi un film familial, qui ne prend pas tant de risques que ça, et qui à deux trois détails près, aurait pu être produit n'importe où dans le monde. Enfin, Leafie, c'est le nom de la poule que l'on va suivre tout au long du film, celle qui frôle la mort pour sortir de sa cage, celle qui est rejetée par la basse-cour, celle qui va devoir apprendre à vivre dans la nature, élever un canard et affronter une belette. Dans un autre contexte, cette critique aurait pu s'arrêter là, j'aurais parlé des couleurs affirmées, du côté léché mais un peu creux de la forme, des pitre et puis voilà. Mais là...

 

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il y avait clairement deux parties dans le film, un avant et un après, symbolisé par la disparition de deux personnages clés : Voyageur, le canard colevert auquel Choi Min-sik prête sa voix à l'écran, et Jung Yumi et son rire de petite fille dans la salle. Au bout d'une demi-heure de bonheur bercée par la voix d'un demi dieu et le rire d'une nymphe, le rêve s'est dissipé et les deux nous ont laissés orphelins, plus de « regards perdus dans l'horizon et en contre-jour» du canard beau-gosse avec sa mèche au vent, plus de tentation de jeter un coup d'oeil derrière son épaule pour voir Jung Yumi rire à la moindre de ses apparitions. Colevert meurt et Jung Yumi sort de la salle. Carton rouge et penalty, c'est la double peine et vous verrez, à partir de ce moment là, la redescente peut-être terrible.

 

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Alors voilà, on peut quand même dire deux mots de la place intéressante laissée à la mort dans ce film mettant en scène le règne animal, elle est toujours traitée avec une grande sobriété et fait véritablement partie de la vie. C'est le cycle de la nature et, chose remarquable, même la fin va dans ce sens là (gros SPAM : après avoir laissé son canard de fils s'envoler avec le reste de sa troupe, elle se laisse manger par la belette qui meurt de fin et doit nourrir ses enfants).

 

Espérons que l'histoire ne retiendra pas que le festival franco-coréen du film aura rendu l'âme en même temps qu'un poulet. Le FFCF est mort, longue vie au Festival du Film Coréen à Paris.

 

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13 août 2011 6 13 /08 /août /2011 07:40

 

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Aachi & Ssipak, du cerveau frappé de Jo Beom-jin.

 

La bande annonce

 

 


 

      Le film en ligne :


 

Sans avoir vu le dessin animé, le quidam se tape des barres à l’évocation parfumée de leurs blases respectifs, des sortes de Starsky & Hutch en crayons de couleur. Puis vient le pitch, raconté en voix off sur un générique qui défile vers la ligne d’horizon à la Star Wars. La planète est à court d’énergie, comme d’hab. On se souvient des méchants citadins, avides et pollueurs, de Wonderful Days, et on a versé une larchimette sincère devant le destin poignant de femmes courageuses se démenant au quotidien dans le documentaire Earth’s Women – même si ça n’a rien à voir, ou presque. Va-t-on nous tartiner de la croissance verte, de la fiscalité verte, des emplois verts, des usines vertes, un comportement vert, la culotte verte d’Eva Joly ?

 

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Bah non. On range le sens commun et on ingurgite l’absurde jusqu’à la lie. Tout réside dans la matière fécale, rien que ça. Sans sourciller, sans sentir cet espèce de courant d’air frais qui bat généralement sur les pupilles de réalisateurs pudiques en fait d’originalité, le réalisateur, Jo Beom-jin, imagine une monde dans lequel on utilise le caca comme source d’énergie. Une scatocratie mondiale, ni plus ni moins. Des régisseurs régulent cette énergie puante à l’aide de puces électroniques délicatement apposées dans l’anus comme le timbre fiscal d’un passeport. Les citoyens ont chacun leurs stats de méthane et malheur aux constipés. Outre le versant bâton, le pouvoir agite la carotte en distribuant des glaces à eau augmenté : mais quel monde étrange. Les habitants raffolent de ses glaces qui sont distribuées à chaque fois qu’une taupe se présente au guichet. Le mécanisme de rétribution ressemble à s’y méprendre à celui des tuyaux à air comprimée dans lesquels un employé de caisse insère une capsule contenant un certain montant de billets à remonter vers la caisse centrale. En gros, une personne défèque, elle tire la chasse d’eau et le mécanisme s’active pour livrer une glace à eau via ce même genre de conduit. Vous ne verrez plus jamais les caisses comme avant.

 

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 Malheureusement, on devient accro à ces glaces ; bah oui, sinon ça aurait été trop simple, un monde comme un autre somme toute. Donc on devient accro et à force d’être stone, « à l’eau », on finit par ne plus pouvoir chier. Rien que ça. Les toxicos rétrécissent et deviennent bleus comme des Schtroumpfs. On les appelle « gang des couches », i.e. une bande de mutants à la tête de laquelle se trouve un Chef sadique qui ressemble à s’y méprendre à un croissement entre : Hitler, Anders Behring Breivik, et un Na’vi. Oui parce que la moustache de ce chef, garantie sans crème stimulante japonaise, est la cerise sur le gâteau bourré de références que constitue ce dessin animé. En même temps il fallait s’y attendre : un scénario aussi barré ne pouvait prendre comme modèle que ce bas monde – vous avez bien saisi la critique désabusée de ce début de siècle qui s’est glissée dans l’espace entre ces derniers mots ?

 

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Donc du caca. Voilà de quoi nous occuper pour une bonne partie de ce texte. Il faut dire que ce serait drôlement plus simple si nous pouvions utiliser la matière fécale comme un carburant. Comme ce sont toujours les meilleurs qui ont les meilleures idées, on se souvient que Groland à l’époque avait déjà proposé l’idée d’une voiture à sperme, certes moins commode que la voiture à essence, mais qui a le mérite de pousser la logique autonomiste à son extrême le plus grivois. Dans un style plus compromis, ou désespéré, on pourra également citer Lino qui se fendit d’une saillie mélancolique, un énième soir de cuite : « si la merde avait une valeur, mes négros naîtraient sans trou du cul » - à ne pas confondre avec la sentence de Booba : « s’il y avait des bites par terre, y’en a qui marcherait sur le cul », même si la distinction est ténue. Bref, tout ça pour dire que les selles fascinent. On raconte par exemple que Salvador Dali n’aimait rien moins que l’extase procurée par une crotte de chien ; nous tenons cette information classifiée d’Amanda Lear himheritself. « Moi, la crotte de chèvre, ça m’excite » ce serait-il exclamé avant en face d’une douairière quelconque venue admirer le génie et ses moustaches garanties 100 % sans crème dopante japonaise. Ces rencontres fortuites se sont également jouées de Kiyoshi Yamazaki (Kenichi Endo), le père de famille dans Visitor Q de Takashi Miike, qui vit le bout de son gland victime de la décontraction musculaire post-mortem d’un cadavre sur lequel il se défoulait. Kiyoshi s’en amuse, sacré Kiyoshi, ce ne sont pas quelques sentiers boueux qui l’empêcheront d’aller au bout de sa petite mort. Cela étant, pour s’éloigner légèrement, mais prudemment, des cimes du pipi-caca gentil, on pourrait également évoquer un film traumatisant à l’excès, à savoir Salo, ou les 120 jours de Sodome. Que de caca dans ce défouloir pasolinien ! C’est vraiment gerbant. S’ils étaient l’objet de railleries enfantines, les matières fécales deviennent ici le support d’une torture fasciste emmanchée jusqu’au coude. On se souvient du bain marron, horrible, et de la scène de torture collective finale, splendide et sordide, effrayante et dérangeante comme le triptyque de Bosch, le Jardin des délices. Bref, du caca pas coul. Et bien évidemment, nous ne pouvions pas finir ce paragraphe sans évoquer le monstre légendaire du Web, la vidéo 2 girls 1 cup, dont le titre suffira, si vous avez lu attentivement jusqu’ici, à vous résumer l’objet. Cette vidéo, que d’aucuns considèrent comme un fake, est tout droit sortie des fantasmes dégueu de Marco Fiorito, un Brésilien de 36 ans qui se décrit lui-même comme un « fétichiste compulsif ». Une vidéo qui est surtout devenue fameuse par les vidéos de réaction qu’elle a suscités.

 

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En fait, pour finir réellement, il ne faudrait pas oublier un grand moment de littérature, et peut-être le plus grand passage du Voyage au bout de la nuit. Dans Aachi & Ssipak, les unités de production fécale sont réunies par secteur. Ces unités constituent des sortes de toilettes publiques, cylindriquement individualisées, solidement amarrées, où la gloriole physique le dispute au sérieux civique. Bref, dans nos têtes mal faites, il s’est ouvert comme un gouffre temporel qui ne s’est refermé qu’en 1932, à l’époque où Bardamu, valétudinaire cosmique, nous rapportait cette expérience :

 

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« J’avais déjà vu bien des gens de la rue y disparaître et puis en ressortir. C’était dans ce souterrain qu’ils allaient faire leurs besoins. Je fus immédiatement fixé. En marbre aussi la salle où se passait la chose. Une espèce de piscine, mais alors vidée de toute son eau, une piscine infecte, remplie seulement d’un jour filtré, mourant, qui venait finir là sur les hommes déboutonnés au milieu de leurs odeurs et bien cramoisis à pousser leurs sales affaires devant tout le monde, avec des bruits barbares.

« Entre hommes, comme ça, sans façons, aux rires de tous ceux qui étaient autour, accompagnés des encouragements qu’ils se donnaient comme au football. On enlevait son veston d’abord, en arrivant, comme pour effectuer un exercice de force. On se mettait en tenue en somme, c’était le rite.

« Et puis bien débraillés, rotant et pire, gesticulant comme au préau des fous, ils s’installaient dans la caverne fécale. Les nouveaux arrivants devaient répondre à mille plaisanteries dégueulasses pendant qu’ils descendaient les gradins de la rue ; mais ils paraissaient tous enchantés quand même.

« Autant là-haut sur le trottoir ils se tenaient bien les hommes et strictement, tristement même, autant la perspective d’avoir à se vider les tripes en compagnie tumultueuse paraissait les libérer et les réjouir intimement.

« Les portes des cabinets largement maculées pendaient, arrachées à leurs gonds. On passait de l’une à l’autre cellule pour bavarder un brin, ceux qui attendaient un siège vide fumaient des cigares lourds en tapant sur l’épaule de l’occupant en travail, lui, obstiné, la tête crispée, enfermée dans ses mains. Beaucoup en geignaient fort comme les blessés et les parturientes. On menaçait les constipés de tortures ingénieuses.

« Quand un giclement d’eau annonçait une vacance, des clameurs redoublaient autour de l’alvéole libre, dont on jouait alors souvent la possession à pile ou face. Les journaux sitôt lus, bien qu’épais comme de petits coussins, se trouvaient dissous instantanément par la meute de ces travailleurs rectaux. On discernait mal les figures à cause de la fumée. Je n’osais pas trop avancer vers eux à cause de leurs odeurs.

« Ce contraste était bien fait pour déconcerter un étranger. Tout ce débraillage intime, cette formidable familiarité intestinale et dans la rue cette parfaite contrainte ! J’en demeurais étourdi.

« Je remontai au jour par les mêmes marches pour me reposer sur le même banc. Débauche soudaine de digestions et de vulgarité. Découverte du communisme joyeux du caca. Je laissais chacun de leur côté les aspects si déconcertants de la même aventure. Je n’avais pas la force de les analyser ni d’en effectuer la synthèse. C’est dormir que je désirais impérieusement. Délicieuse et rare frénésie ! »

 

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Bon voilà, insister reviendrait à partir en vacances en laissant le couvercle ouvert, et libre la voie aux remugles nauséabonds. De toute manière, à tout bien considérer, le caca est un prétexte rigolo plus que le fond de l’histoire d’Aachi et Ssipak. D’ailleurs, le dessin animé est plus sanglant que puant. Le « gang des couches » est composé de chair à trucider, parfaitement interchangeable, parfaitement inutile. Alors les représentants des forces de l’ordre s’en donnent à cœur joie, et notamment le Super Cop Geko, une machine de guerre finement huilée dont les faits et gestes offrent au dessin animé quelques unes de ses plus belles images. Les camés ressemblent aux Smoochies, petites peluches sadiques et fragiles qui finissent cisaillées à chaque fin d’épisode, mais sont coriaces comme les Replicator de Stargate, peut-être l’espèce la plus casse-couille de la série, et peut-être méchants et débiles comme les hyènes du Roi Lion. Du bon méchant comme il faut pour passer un bon moment ; de la bonne chaire à suggestionner, à dépecer, à éclater. C’est d’ailleurs ce qu’il se passe dans 70 % du film, et c’est profondément jouissif. Ça fait penser aux bulles en plastiques sur lesquelles on passe son temps innocemment, sans comprendre que c’est un des mécanismes les plus sadiques de nos êtres qui se trouve inconsciemment activé par cette action.    

 

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Aachi & Ssipak, on dirait que c’est un délire de soirée, avancée dans la nuit, où alcool et THC se tressent à l’étoupe de l’audace. C’est un peu comme si Moff, dans Human Traffic, était allé au bout de sa théorie, enfantée par plusieurs taffes de bang, qui fait de Dark Vador un space-dealer intergalactique et Yoda un camé en descente depuis plusieurs siècles. Sauf qu’à la différence de Moff, Jo Beom-jin et le studio J team sont allés au bout de leurs idées. C’est par une vue assez commune que l’on considère les idées plus audacieuses comme le fait de l’alcool ou du chichon : si c’était le cas, le réalisateur est allé au bout du possible. Le mec a dû se dire : j’aime le cinéma, mais comment lui rendre hommage à ma manière, sans étaler une médiocre bouse de vache qui viendra s’empiler sur le continent des reconnaissances foireuses. Du coup, il a l’idée géniale de décontextualiser fondamentalement le propos. C’est fort. A partir de ce moment-là, chaque référence sera une espèce de fleur jetée à la face du spectateur entre deux holocaustes de gang des couches. Nous n’avons certainement pas relevé tous les films recensés dans le dessin animé, mais comme ça, en un coup, on tenterait les films suivants : Matrix Reloaded, Mad Max, Robocop, Pulp Fiction, True Romance, Superman, Batman, Le cuirassée Potemkine (quand même, pour l’école du cinéma), Scarface, Indiana Jones, Blade. Voilà pour les quelques uns qui nous sont venus à l’esprit, il faudra nous dire pour les autres. Bref, que du bon, très musclé et tonique. Le mec s’amuse tellement qu’il nous joue une mise en abîme subtile de story-board de dessin animé dans le dessin animé. Pour marquer la différence, le story-board est dessiné au crayon à papier, mais il défile à une vitesse telle qu’il devient un dessin animé, réduit évidemment, dans le dessin animé. Ce genre de bonnes idées qu’on affectionne particulièrement sur ce blog, donne bien le ton du dessin animé : archi-pop qui rend son dû à Kinji Fukasaku et Quentin Tarantino.

 

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C’est tellement pop qu’on ne peut pas ne pas évoquer le personnage de Toufman Jimmy, un réalisateur de films porno prolifique, tout droit sorti d’un film de blaxploitation. Sous sa touffe grosse comme Jupiter, il rêve de réaliser un film qui lui apporterait un succès international et dans lequel une héroïne sacrifierait « son trou du cul pour sauver le monde ». Il se fait victimiser durant tout le film, selon le syndrome « Oggy les bons tuyaux » par le gang des couches qui ne comprend pas sa sensibilité artistique. A côté, on a la dirigeante cynique, petite péteuse sèche comme une biscotte (désolé), dont la violence est proportionnelle à la circonférence de son crâne digne d’une pastèque, qui déplore qu’on « profane ce lieu saint qu’est l’anus ». Sans compter la pépé d’Aachi et Ssipak, qui leur fait grimper les cimes de la réussite sociale et leur permettant de devenir de gros dealers de sorbets grâce aux performances exceptionnelles de son transit intestinal. Aachi ne s’y trompe pas : « elle est bonne, cool, et elle rapporte ». Du coup, s’il est permis de s’exprimer ainsi, c’est la course au cul sacré durant tout le dessin animé. D’où l’évocation de True Romance plus haut : une magnifique scène foutraque dans laquelle deux gangs se retrouvent, dans la chambre d’hôtel luxueuse d’Aachi, Ssipak et leur beauté, nez à nez avec la police. Un moment pur. Finalement, à la réflexion, tous les moments sont purs dans ce film. Les scènes de baston sont magnifiques. Elles font du Matrix avec du dessin. Notamment, Aachi & Ssipak est impulsif. On s’explique : durant les tapes, il y a des plans durant lesquels l’image ralentit avant qu’un coup ne soit porté. C’est comme si le personnage qui allait porter le coup voyait toutes les coordonnées de l’image se concentrer en son sein et que d’une certaine manière, il obtenait l’impulsion de son coup par une forme de dépliage de l’image. Comme un trampoline virtuel. Ce procédé est énormément utilisé pour Geko, le super cop aux capacités exceptionnels, dont le seul intérêt réside dans la boucherie dans laquelle il stocke le gang des couches. En fait, pour comprendre cette sensation, il faut peut-être avoir saigné Prototype, le jeu Xbox/Play 3. Dans ce jeu, Alex Mercer a des super pouvoirs qui lui permettent, entre autres : de sauter d’immeubles en immeubles, de planer, de courir sur les murs, des mettre des chassés aux hélicoptères, d’attaquer une base militaire aux poings, et de balancer des châteaux d’eau sur des mutants. Bref, un gros délire. Et bien dans le jeu, lorsqu’on charge un chassé aérien en restant appuyé sur la touche qui porte les coups, l’image se fixe et on voit pendant quelques instants le coup « sur le point de ». La scène est suspendue et l’accent est mis sur l’évènement-chassé. D’une certaine manière, les protagonistes deviennent superflus, le coup existe par lui-même. C’est un peu le même procédé que celui de la ligne imaginaire qu’on a dans Oldboy, qui relie le marteau et le front. Finalement, ce qui reste de l’action, c’est ce moment suspendu durant lequel le couple marteau-front s’individu : il est bien là l’évènement du coup de marteau.

 

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Bon voilà, après il est inutile de prêter trop d’intention à un dessin animé qui est avant tout un gigantesque défouloir, vulgaire et bariolé. Aachi & Ssipak, c’est un peu un clip de K-pop qui a mal tourné. Comme en témoigne les pubs qui défilent pour proposer des remèdes à la constipation. C’est bien peut-être le seul moment de « critique social » : des produits qu’on nous propose pour pouvoir évacuer, c’est-à-dire, in fine, pour consommer plus. Pour le reste, on n’a à faire à un délire d’enfant qui a grandi trop vite : il y a le côté pipi-caca, l’aspect friandise, l’énergie débézaide, la princesse injustement molestée. Le monde est comme vidé, il n’y a pas de tiers, pas de passants. Cela témoigne encore plus de la volonté d’aller droit au but et de ne pas s’encombrer de politisme inapproprié. Les âmes exigeantes sont priées d’aller voir aux alentours de Wonderful days. Aachi & Ssipak est un délire extrêmement sanglant dans un monde en ruine, sans que cela ne semble poser véritablement problème. Monde moderne, monde de bouts de corps, édulcoré, popophile, cauchemar d’idol. Comme on peut l’entendre durant le film, « quelle soit molle ou dure, une merde reste une merde ». On ne pouvait pas mieux conclure.

 

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PS : si quand même, c’est Ryu Seung-Beom qui fait la voix d’Aachi. Toujours dans les bons coups celui-là.

PS2 : comme pour l'article sur Une femme coréenne, on imagine déjà, au regard des termes utilisés dans ce texte, le nombre d'internautes égarés qui viendront gonfler les statistiques du blog...

 

 

La voiture à sperme du Groland

 

 

 

 

 

Les Smoochies

 

 

 

 

Human Traffic - où Moff explique que...

 

 

 

 

Quelques images de Prototype 2

 

 

 

 

La scène finale de True Romance

 

 


 

 


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31 octobre 2010 7 31 /10 /octobre /2010 19:07

Wonderful Days, Kim Moon-saeng, 2004

 

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Coloriste : Mee Jang, une petite pensée pour ce type qui a dû se contenter d’une gamme de gris et de bleus, de couleurs tristes pendant plus d’une heure. Alors dès qu’il a l’occasion de mettre de la couleur, il se/nous fait plaisir.

 

LE FILM SUR YOUTUBE !

 

 


 

  Variations sur thèmes usités

 

Le générique est très beau et mérite son petit paragraphe. Une musique enlevé et planante saupoudre la séquence comme pour révéler le sens d’un monde suspendu, exsangue, entre la vie et la mort. Une moto qu’on dirait sortie de Tron fend un sentier lissé par une nappe d’eau étale. Des gouttes d’eau jaillissent des striures du pneu arrière. Le bolide trace à toute vitesse ; il semble pourtant immobile. Subrepticement, le regard du pilote croise un ensemble industriel désaffecté. La brume est stagnante, une grande ville se forme à l’horizon, les rochers restent désespérément silencieux. Sous une succession d’accords soufflant les derniers jours d’un dieu fatigué, le générique balance l’exposé des motifs sans vaciller. C’est bon, ce film c’est le mouvement final de la  sixième symphonie de Tchaïkovski.

 

 


 

Pour planter l’histoire une bonne fois pour toutes : on est au XXIIe siècle (donc au fond, pas si loin que ça), dans un monde post-apocalyptique rendu pratiquement inhabitable après une catastrophe apparemment  d'origine humaine. Deux groupes de population vivent côte à côte : l'élite ou les chanceux, bien sapés, propres sur eux, vivent dans Ecoban, une ville fortifiée amie des arts, du profit et de l’ordre. Cette ville est protégée de la pollution extérieure, tandis que le deuxième groupe, beaucoup plus nombreux, vit à Marr, dans la crasse et la pollution. Bref, le topo répond à la dichotomie classique ville/faubourg, centre/périphérie, insiders/outsiders, Nord/Sud, etc. En revanche, point particulier et intéressant, Ecoban est grosse consommatrice d’énergie, laquelle est produite à partir de… pollution, tada ! En voilà une drôle d’idée, les dirigeants d'Ecoban envisagent donc de brûler des puits de pétrole pour « étendre la zone de pollution », régénérer la ville et se préparer à faire face à une éventuelle rébellion des habitants de Marr, armée de réserve du capital.

 

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La parabole est donc aussi discrète qu’un sound system dans une maison de retraite. Un des dirigeants, qui manifestement imprime à la cité son ordre de marche, est un ultralibéral ultra-véreux-et-cynique, type vieux patron à l’ancienne, le genre à demander à M. le Préfet qu’on fasse tirer dans la foule pour faire cesser les troubles occasionnés par les grèves. Sauf que là, question de style oblige, il tire lui-même dans le tas. Sa doublure en français est caractéristique de pratiquement toutes les voix de méchants des dessins animés en provenance d’Asie : une voix Végéta-like un peu pincé et nasillarde, tranchante, le débit rapide et haut. En face, les idéalistes rêvent de détruire le système central de la ville pour voir le soleil - ce qui, on le conçoit bien, est un objectif légitime en soi. Bref, âme damnée contre belles âmes, confrontation qui promet de la tartine à premier degré sans modération.

 

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Le conflit type dedans-dehors est tellement fréquent en littérature et au cinéma qu’on n’ose même pas tenter ne serait-ce qu’une ébauche de liste. Wonderful Days n’échappe pas aux lois du genre (protagoniste compromis entre les deux camps + protagoniste plein de remord qui finit par accomplir un acte héroïque + protagoniste qui comprend le sens de sa lutte et accepte de se sacrifier + etc.). Cela ne me dérange pas dans la mesure où je suis un fan intarissable de l’histoire de la Seconde guerre mondiale (la dynamique les gentils-perdent-au-début-puis-ils-laminent-les-méchants m’a toujours excité) mais il est forcé d’admettre que c’est du tout vu. Le problème n’est pas le film, mais la structure plus générale du dedans-dehors. On n’arrive à généralement à rien de transcendant avec ce genre de situations. D’où notre leitmotiv de vieillards que l’on répète à tous nos étudiants en cinéma (je donne personnellement des cours à la Femis et Joy Means Sick donne des séminaires un peu partout dans le monde, mais principalement à la NYU) : adopter, autant que faire se peut, une matrice ouverte. Ne jamais hésiter à ouvrir un film, ne pas cloisonner des pans de film : nous pensons fondamentalement qu’un espace ouvert est plus important, car il offre plus de possibilité, quitte ensuite à replier méthodiquement le scénario.

 

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L’autre idée intéressante est bien entendu la question de la pollution. Accorder une positivité à ce qui relève purement et purement de l’externalité négative permet d’ouvrir une petite brèche –oh si peu, mais amplement suffisante- pour développer quelques lignes. A noter déjà au passage qu’un autre film d’animation sudco, Aachi et Ssipak, datant de 2006, exploite également l’idée d’une positivité d’externalité négative puisque dans ce cas, ce sont les excréments humains qui assurent la survie énergétique. Mais revenons au cas de la pollution : ce qui est marrant c’est que ce point est complètement assumé par les habitants d’Ecoban mais qu’à aucun moment les conséquences écologiques ne sont explicitement établies. En gros, c’est comme si la « pollution » n’était problématique que dans la mesure où elle est la cause de l’atmosphère nuageuse qui ne permet pas de voir le soleil, mais c’est tout. Les effets néfastes sur la planète ne sont pas évoqués. Bref, c’est une question esthétique quoi. En fait, les types voulaient juste bronzer. Ce parti-pris incomplet est une approche pour le moins étonnante.

 

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Œuvre composite

 

Commençons par le petit jeu des sosies. « Tiens ça me fait penser à ça », à bien des égards Wonderful Days peut être observé comme un objet patchwork : des musiques de tous horizons, une plastique composite, mais pour commencer des références à la pelle. Assumées ou non peu importe, elles fonctionnent, « seul le vol est justifiable » hein Pedro (Almodovar) ? N’empêche avec Kim Moon-saeng notre imaginaire a une base de données commune. Comme toujours ce jeu d’associations est purement subjectif.

 

La ville du peuple de Marr, étouffée sous la pollution, grise comme un mineur du Pas de Calais de 1850 à la sortie du taf, me rappelle fortement Midgar, la case départ de Final Fantasy VII, case que j’ai dû emprunter une bonne dizaine de fois histoire d’avoir toutes les materias, tous les persos, ou de me faire un kiff nostalgique. Bref je sais de quoi je parle.

 

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De là à dire que Shua ressemble à Cloud, le héros de FF7, il n’y a qu’un pas que je ne franchirais pas. Et pour Cause, Shua, c’est Nicky Larson (ou Kyo du manga éponyme). Mais quand même, y a la moto.

 

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Et pour en finir avec FF7, parce qu'à mon âge il serait temps de passer à autre chose, va savoir pourquoi j’associe Barrett à ce rebelle de Marr.

 

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Sinon on remarquera que les bruits des « vaisseaux » sont très proches de ce de Star Wars qui n’en finira jamais de faire des émules. De plus quand Shua s’introduit dans Ecoplan en planeur, on pense fortement à l’étoile noire, surtout quand il s’engage dans une tranchée poursuivie par des chasseurs de l’Empire, oups pardon d’Ecoplan.

 

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Point de vue mise en scène, l’excellent générique déjà souligné par Sans Congo me fait fortement penser à celui de The Shining : musique planante, des notes ponctuelles et surtout des vues aériennes type hélicoptère d’un véhicule seul au monde. D’ailleurs petit point culture : saviez-vous que la Warner avait utilisé des rushs du film de Kubrick pour bricoler sa propre fin de Blade Runner de Ridley Scott avant que ne sorte le Director’s Cut?

 

 

 

 

Petit clin d’œil architectural. Hong-Kong, Fruit Chan, Nouvelle Cuisine, photo de Christopher Doyle (photo 1). Mais la scène se déroulant dans un musée reconstitué (photos 2 & 3), les plus riches/cultivés auront reconnus le musée Guggenheim de New-York (photo 4). Etonnant d’ailleurs quand on sait à quel point ils sont tatillons vis-à-vis de leur droit à l’image… (interdit de photographier l’intérieur du bâtiment).

 

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Allez une dernière pour la route, le combat dans les égouts et dans l’eau, entre le gentil et le méchant, ça ne vous rappelle pas Underworld ? Non ? Bon tant pis, moi si.

 

 


 

 

Attaquons nous maintenant au film de façon plus frontale. Déjà vous aurez compris que c’est le genre de film qui me plait. Si vous ne partagez aucune des références ci-dessus, il se peut qu’on ne se comprenne pas. Raisons de plus pour que l’on s’apprécie : Romain Gary, Adieu Gary Cooper, un magnifique contre-pied sur la barrière de la langue. Difficile d’arrêter comme ça les références une fois les vannes ouverte.

 

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On a déjà parlé du générique, mais l’accroche qui le précède mérite aussi quelques mots. L’approche est un peu gratuite mais diablement efficace. A priori déconnectée du reste du film, on pourrait dire qu’elle permet de caractériser les personnages de Jay et surtout du grand méchant, mais vu les rares apparitions de ce dernier par la suite… la séquence sert surtout à plonger la tête des spectateurs dans l’univers du film, sa cruauté, son absence de couleurs et son côté caricatural ou déjà vu. Voilà, c’est balisé, ce sera une variation sur une rengaine bien connue mais après tout ne dit-on pas que toutes les histoires ont déjà été racontées ?

 

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Au niveau de la forme, le plus frappant est surement le côté composite du film. Les dessins types mangas côtoient les images « 3D » et, j’en jurerais, des images filmées : la pluie, les nuages, des statues du musée, etc (d’ailleurs le générique mentionne des « prises de vues miniatures »). Le mariage entre les trois n’est pas toujours parfait (l’attaque du convoi et la fuite en camion + les plans suivants des motos) mais dans l’ensemble on sent qu’on a fait du chemin depuis Tekken 2. Finis les polygones, les frontières sont minces, poreuses, confuses. Le parti pris est d’ailleurs très pertinent : en 3D (et non relief commeAvatar) propre et réaliste les objets manufacturés et donc les décors, en dessin tout ce qui est vivant. Le tout est très bien fait, les images léchées. Et puis comme la bande son est au diapason, on ne va pas faire les fines bouches. Par deux fois on se demande d’où sort une sonorité improbable dans cet univers futuriste (l’harmonica, la guitare et sa chanson en anglais) mais on est repris de volée : bien que montrées avec un léger décalage, les sources sont diégétiques. Allez, histoire de nuancer, quelques faux pas ou plutôt des pas un peu lourds dans les passages de morts tragiques.

 

 

 

Alors certes le film a quelques défauts, une histoire assez classique et un univers plein de références. Mais le voyage qu’il nous propose est rapide et agréable. Même le final monté sur un air d’opéra finit par s’imposer à force d’insister.

 

 

Sans Congo (depuis le Myanmar) et Joy Means Sick


PS : au Forum des Images traine un vieux Mad Movies spécial Asie avec quelques pages sur l’animation coréenne. On vous en touchera deux mots à l’occasion.

 

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