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14 février 2013 4 14 /02 /février /2013 08:47

Motel Cactus, Park Ki-yong, 1997

affiche motel cactus

 

Tout comme cette Fouine qui n'avait pas les mots, n'avait pas les mots, n'avait pas les mots... Joy Means Sick se sentait foutrement incapable d'écrire quoique ce soit de construit, de raisonnable et d'argumenté sur le film qu'il venait de voir. Cela faisait déjà quelque temps qu'il avait compris que l'histoire au cinéma n'était qu'une affaire de court-terme, un échaffaudage qui permet au film de gesticuler sous ses yeux pendant une centaine de minutes pour maintenir son cortex concentré à coups d'électrochocs narraftifs; pour que le cinéma ne soit pas contemplation mais attention, spectacle plutôt qu'art. D'ailleurs JMS lui-même aimait bien les histoires. Il avait beau se méfier, il se retrouvait chaque fois fasciné par la tension entre la narration et l'art entre les lignes. Tous ses soucis de vraissemblance, de logiques internes au récit, de suspens, de cohérence des personnages, ses années passées à peaufiner un scénario, tout ça pour n'imprimer au fond du cerveau des spéctateurs que des impressions diffuses de l'ordre de l'image rêvée et du ressenti. De toutes les intrigues d'espionnages et politiques de La Taupe, il n'avait retenu qu'une odeur de vieux cigares, d'images en tweed aux couleurs peu saturées et l'impression de traverser le film comme on découvre Londres au rythme tranquille et serein de la Tamise. De The Shining, un coup de hâche, une salle de bains, le visage de Jack Nicholson, les déambulations d'un tricycle dans un couloir à la moquette aux motifs orange, quelques mots répétés inlassablement sur une machine à écrire et cette idée qu'une mise en scène trop parfaite dans sa rigueur peut dépasser le récit et l'écraser, sans savoir si c'était là une bonne chose ou non. Apocalypse Now? Des flèches, un tigre, des hélicoptères, les Walkyries, le surf, l'odeur du napalm le matin, un ventilateur, les bunnies, la moiteur de la plantation française, le cou du boeuf sacrifié, Marlon Brando, et une indélibile impression d'odyssée métaphysique digne des plus grandes folies américaines. Et Motel Cactus dans tout ça? Pas vraiment d'érotisme, un amour des courtes focales, un grand respect pour Christopher Doyle (chef op' sur le film), un intérêt intrigué pour Park Ki-yong (le réalisateur), une gamme de couleurs rose-cyan, des lumières qui changent en cours de plan et des plans d'une puissance graphique impressionnante.

 

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Niveau narration, le film s'articule autour de quatre histoires, se déroulant lors de quatres saisons différentes, dans une même chambre d'hôtel. La chambre 407, PSA quand tu nous tiens, tu nous lâches pas. Le coup des quatres saisons il faut d'ailleurs le prendre au second degré, si on ne pouvait le lire dans les quelques synopsis qui trainent sur internet on ne l'aurait pas remarqué. Il s'agit plus de quatre étapes classiques et symboliques des relations amoureuses calquées sur le modèle cyclique des saisons : la première fois, la question de l'engagement, la nostalgie, etc. Tout ça laisse une impression diffuse mais profonde, abtraite et colorée. Inutile donc de chercher à mettre trop de mots là dessus pour Joy Means Sick qui de son enfance au Kentucky avait bien retenu cette leçon : "pictures speak louder than words".

 

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Quelques mots et impressions pour chacune des séquences du film, beaucoup d'images et une impossibilité totale de spoiler : pour cela il aurait fallu que le film est une structure mécanique. Ici on est l'évocation poétique.

 

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Dès l'introduction, la mise en scène s'affiche et bouscule avec un plan peut-être moche mais percutant : une fille s'adresse à une autre qui restera hors-champ et muette, lui reprochant son attitude vis à vis des hommes : elle leur donne tout sans jamais rien demander en échange. Conséquence : des abandons à répétition. Ellipse, le plan suivant, c'est cette même demoiselle face à un miroir en train de se frotter les yeux alors qu'un homme lui embrasse le cou.

 

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Ensuite, pour rester fidèle au titre de l'article et au style du film, beaucoup d'images, et peu de mots.

 


Triptique d'un premier amour rose-cyan, petits espaces et courtes focales.

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De l'amour des reflets du surcadrage :

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Couper les corps :

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Assumer les courtes focales : 

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Et surtout filmer à travers de la matière :

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Voilà !


Et si vous voulez aller plus loin, quelques pistes :

 

- 5 ans plus tard, Park Ki-yong a réalisé un second film intitulé Camel(s) et chroniqué ici sur l'ancien site d'Insecte Nuisible : Glop ou pas glop ?

  

- Christopher Doyle, après avoir été marin pêcheur en Norvège et photographe d'un groupe de jazz composé de juges de la court suprême de Hong-Kong, a récemment ajouté "réalisateur de porno japonais musical" à sa collection de casquettes : un interview en anglais ici 

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