Late Autumn, Kim Tae-yong, 2011
Dimanche 16 octobre 2011, 21h20, Rue Saint André des Arts, Cinéma Saint André des Arts, Paris.
Timing ric-rac, j'arrive sur place 1 minute avant la séance, y a une queue de bâtard devant le cinéma et c'est bien la première fois dans ma vie que ce genre de phénomène me fait plaisir. Le FFCF 2011 se porte bien, tant mieux pour lui. Moi j'ai la crève.
J'entre dans la salle dans les derniers, y a encore la queue, pour les toilettes cette fois. Que des meufs, mais bon je dis ça comme ça. De mon côté je cherche un coin pour mourir et évite soigneusement de m'assoir à côté de quelqu'un que je pourrai trouver sympathique : je vais pourrir la séance à mes voisins, c'est évident, alors bien choisir ses victimes. Avec un peu de chance je pourrai même refiler ma maladie, mais bon voilà, je suis pas si méchant, j'ai trouvé une place sur le côté, un peu isolé, je m'installe et sort le carnet.
Je commence direct à noter des trucs, de toute manière je ne peux pas parler. J'ai repéré quelques têtes connues mais j'ai pas envie de montrer la mienne, cette année c'est Sans Congo l'ambassadeur, pour moi 2011 ce sera l'année du furet : pour les cocktails à vingt euros faudra attendre un peu les gars ; en ce moment le truc le plus funky que je puisse faire c'est me taper un grog. Chiottes mec.
Pierre présente le film. Kim Tae-yong était l'un des deux réals de Memento Mori, le film est un remake, comme les deux autres versions présentées ce même jour. Pierre demande s'il y a des courageux qui se sont fait le marathon Late Autumn. Une main se lève, chapeau. Petit détail croustillant, si la version originale de 1966 jouit d'une bonne réputation, il n'en existe aujourd'hui plus une seule copie... sauf peut-être dans la réserve perso de Kim Jong-il !
Les bandes annonces, preuves un peu emmerdantes de la nouvelle ampleur du FFCF, un mal pour un bien. La salle est pleine en tout cas. En ce moment, parmi la petite communauté des bloggers du festival, on dirait bien que Late Autumn ne laisse pas indifférent. Pour ou contre donc, et généralement, quand on est pour, on est contre Hello Ghost. Et vice-versa. Va falloir choisir son camp, ça me plait, déjà je sens que je reprends du poil de la bête. J'attends le film de pied ferme.
Allez juste comme ça, de mémoire, évaluation des deux camps :
POUR : Bunta Kun / Alain Justice, Pierre
CONTRE : I.D., David T.
Chacun peut s'inscrire, j'actualiserai.
Allez, ça commence.
Encore un film qui s'ouvre par une scène en mode tchik-tchak : l'origine du mal, Ana qui erre dans la rue, cocard sur la gueule, sang sur le t-shirt. Tout est calme, le travelling est nickel chrome, le cinémascope accentue les mouvements. Elle retourne chez elle en courant, son mari est bien mort, c'est foutu. Rien n'est dit et c'est super classe mais on ne me la fait plus : les couleurs désaturées à mort et les silences insistants, ça déchire quand ça fait contre-point avec une action brulante, mais si le film bifurque sur la route d'une romance mélancolique, ça va vite me les briser menu.
7 ans plus tard. Elle sort de prison et jusqu'ici je suis plutôt pour. Je ne sais pas pourquoi je repense à My Dear Enemy que j'avais vu à la même occasion à la même époque, l'an dernier. On continue avec des mouvements de caméra sophistiqués et des images désaturées. Merde, les premiers dialogues en anglais, c'est pas top, fait chier.
J'ouvre une parenthèse, l'anglais et l'Asie ça ne passe pas, va savoir pourquoi. Passons sur les réals asiats incapables de diriger un acteur anglophone, ce soir je m'en prends aux acteurs asiats qui tentent de parler anglais, et donc à Late Autumn. Vous parlez mal anglais, soit, c'est pas grave, suffit de l'assumer. Mais là, on sent trop que vous avez pris un cours accéléré juste avant le tournage. Toutes les phrases sont super articulées, on joue sur le fait que vous ne soyez pas à l'aise avec la langue en vous faisant uniquement utiliser des mots simples mais par contre vous ne faites aucune faute de grammaire ! Du coup on a l'impression qu'un élève appliqué mais moyen, récite les lignes de dialogues. Personne ne parle comme ça. Bon allez, l'intro était stylée, un partout, la balle au centre, n'en parlons plus.
Y a quand même un style qui se développe en Corée, un cinéma minimaliste, qu'on pourrait qualifier de crevard, qui s'amuse à tout cacher pour rendre son contenu plus précieux. C'est sûrement une réaction naturelle face aux averses de violons et de miel de ce que l'on désigne comme les comédies coréennes (ou même asiatiques) classiques, pas franchement subtiles, mais qui au moins déréalisent leur histoire et qui sont tout sauf plates. Alors voilà, je le sens déjà, avec ses couleurs délavées, ses rares notes de musiques et son atmosphère étouffée. Late Autumn est de ceux là, des films qui la jouent subtile et juste, qui refusent tout excès, et dont je sors en me disant « mouais, c'est sur c'est pas nul, mais bon, ça casse pas trois pattes à un canard ».
Parce que oui c'est pas nul, tout se passe en souterrain, y a une compréhension qui s'établit entre deux paumés sans aborder frontalement les choses, elle est triste, il veut la faire sourire, c'est universel, c'est sympa. Ok, mais on lit trop facilement entre les lignes, y a pas la moindre surprise, on est toujours en avance sur les personnages, parce qu'ils sont trop normaux et qu'on refuse de verser dans l'extraordinaire. Surtout pas d'excès, on dirait un film d'ascète.
Par contre la salle marche à fond les ballons. Le type (surnommé Hyène Pine par certains détracteurs) se coiffe devant le miroir et tout le monde se marre ! Ensuite, ce sera la même rengaine à chacune de ses cabotineries. Je dois avoir une corde sensible un peu plus épaisse, parce que de mon côté ça me laisse de marbre et là encore le pire c'est que je ne juge pas la scène mauvaise, au mieux sympathique, tout comme la petite musique légère qui accompagne les premiers pas de ce couple impossible.
Ca doit faire une bonne demi-heure que le film a commencé et je me fais cette remarque flippante : si le film avait été français, je crois que je l'aurais cloué au pilori et caillassé sans sommation. Mais là ça passe, la banalité du récit n'est soutenue que par la force de la situation de départ (lui est un gigolo pourchassé par un mari jaloux, elle a deux jours de permission pour assister à l'enterrement de sa mère avant de retourner en prison), mais ça marche quand même.
Remarque, si le film avait été français, elle aurait été une bourgeoise mal baisée partie se reposer à la campagne le temps d'un weekend, et lui un immigré arabe beau, jeune et sans papier.
« Anna Chen, it's a beautiful name ». Les gens se marrent, je dois être sacrément malade.
On leur sert un verre de champagne, nouvelle bidonnade dans la salle. Je prends direct un médoc.
Le ton est juste, mais les petites choses de la vie, exposées de la sorte, ça reste des petites choses.
Voilà la fameuse scène des auto-tamponneuses, je me souviens avoir surpris une conversation où l'on en parlait comme une scène magique. Aie, non, l'idée est sympa mais c'est niais, les gens sont fans, je ne vais vraiment pas me faire des potes cette année. Le pire c'est que la même scène dans une comédie acidulée classique serait passée tranquilou, là je n'y crois pas une seconde, plus qu'une goutte de lyrisme c'est un cheveu sur la soupe. Je ne parlerai même pas de la scène de danse qui s'ensuit.
Un film de surface, où tout est clair comme de l'eau de roche, et qui utilise sa situation de départ pour justifier son extrême retenue ou plutôt sa timidité.
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Ce type me fait penser à Jude Law dans A.I.
Il confond « hao » et « huai », les gens trouvent ça drôle.
J'aime bien cette volonté de n'avoir aucun rapport direct entre les personnages, si ce n'est les plus primaires « do you want me ? » (me as a body, même si elle n'y arrive pas). J'aime beaucoup moins les ruses scénaristiques qui permettent aux personnages de s'exprimer quand même clairement : les auto-tamponneuses, le dialogue en chinois ponctué de « hao » ou « huai ».
Banco, premier sourire prononcé de ma part : la baston dans le bar. Le dialogue précédent entre les deux mâles étaient aussi prévisible que mauvais, par contre « he used my fork » je ne l'ai pas senti venir. Inutile de préciser que la moitié de la salle est pliée en deux et que l'autre se tape le cul par terre.
Sac plastique, violence soudaine, sursaut. C'est frustrant ça, pourquoi se retenir quand on est capable de telles fulgurances.
Séparation / arrestation, joli usage du steadycam, montage très sympa, ça donne envie de foutre un scenario en peu plus frétillant entre les pattes du réalisateur pour voir ce que ça pourrait donner.
Apothéose finale : elle prend un café avec un gâteau au chocolat sur l'air d'autoroute où il avait promis de la retrouver. TOUT EN SUBTILITÉ.
Voilà c'est fini, et en bon normand, je ne suis ni pour ni contre et la guerre de Troie n'aura pas lieu. Simplement, ça ne correspond pas à mes envies de cinéma. C'est trop froid, trop désincarné, à mille lieux des fragiles mais jouissifs Alien Bikini et Code of a Duel, qui, bien plus bancals, sentent bon l'amour du cinéma et l'envie de faire des films. Là, c'est du cinéma de dentelle et ma corde sensible n'est pas assez fine pour vibrer au moindre chuchotement, surtout que je ne suis ni amoureux de l'actrice (très bien par ailleurs) et encore moins de l'acteur (pas si catastrophique que j'ai pu le lire). Le ton est peut-être juste, mais il n'y a rien d'extraordinaire, du coup je repense à Yoon Sung-hyun, à ses nouvelles envies de personnages extraordinaires et de montrer le réel à travers l'irréel, et je me dis que son prochain film risque de vraiment être de la boulette.