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10 septembre 2011 6 10 /09 /septembre /2011 10:07

 

The Unjust, de Ryu Seung-wan. 2010

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The Unjust, dimanche 4 septembre, l'Etrange Festival, salle 500, pas de clim et du retard. Les troupes sont essoufflées, le présentateur/organisateur bafouille la filmo de Ryoo Seung-wan, cite City of Violence, No Blood No Tears et Arahan et oublie Die Bad (puis quelqu'un lui rappelle) et Crying Fist (Choi-min Sik bordel !) ; il mentionne tout de même Crazy Lee (yes papa) et fait le beau en indiquant qu'il s'agit à la base d'un court métrage. L'auteur précise que les trois derniers films cités sont immensément plus intéressants que les trois premiers. Ça sent mauvais.

 

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En gros ce serait City of Violence mais avec une histoire, alors pourquoi pas. On aime quand même beaucoup Ryoo. Et merde, le présentateur prend The Chaser de Na Hong-jin comme exemple de film similaire, l'histoire ne lui donnera pas raison. Enfin pas tout à fait, le seul point commun entre The Chaser et The Unjust réside dans le rôle des médias dans les sociétés hyper-connectées. A propos de The Chaser, on évoquait cet aspect par le biais de la pression de la foule qui perturbe le cours de l’enquête et par l’usage étouffant de la téléphonie mobile. Une scène de The Chaser montrait notamment la recherche débridée du ramdam de la part des médias : le maire de la ville recevant un sac de merde sur le visage éclipsait l’espace d’un instant l’intérêt pour l’enquête. Dans The Unjust, la place des médias est centrale. C’est à travers des plans sur des écrans de télévision qu’on apprend « officiellement » l’avance du cours de l’histoire, comme si le scénariste passait au surligneur rose fluo sur les lignes du script. De plus, il y a un personnage de journaliste qui se révèlera être celui qui distribue les cartes et rend possible les coups en agissant comme un mandataire pour les différents personnages. Les unes de journaux éclaboussent comme des kaméhaméhas. Il y a tellement de mises en abîme d’écrans qu’on se prend parfois à penser au Redacted de Brian de Palma, à une échelle moindre, évidemment. Au-delà de la presse, la police prend son petit taquet, comme d’hab, et comme dans The Chaser. Confer le procureur qui s’amuse que ce que la police parvienne à résoudre des affaires, ce qui le plonge dans un état dubitatif et las, comme s’il avait à résoudre une équation très compliquée. Cependant, la comparaison entre les deux films s’arrête là. The Unjust est beaucoup plus ensoleillé que The Chaser, et le délire de Ryu Seung-wan n’a rien à voir avec celui de Na Hong-jin. Parole d’hommes libres.

 

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Nous avons déjà l’occasion de parler de cette série qui n’existe pas : « les Experts à Séoul », concernant les ouvertures de films de Windstruck et The Housemaid 2010. Bim bam boum, sous tous les angles : la ville bouillonne, les écrans bombardent. Dans le métro, dans les magasins de télévision, sur internet, dans les salles de sports, on ne parle plus que de cette histoire de viols et de meurtres en série qui dure depuis plusieurs mois et terrorise la ville au point d’embarrasser le gouvernement. Quelques plans aériens de la ville pour submerger les individus et en mettre plein la vue aux réceptions de Monsieur l’Ambassadeur. Pour The Unjust, il faudrait peut-être renouveler le concept en choisissent une ambiance un peu plus balnéaire, plus lumineuse et donnant dans le bleu clair. Ce serait donc plutôt un début façon « Les Experts à Busan » : ciel dégagé, tonalités sablonneuses, de la sueur et du mouvement, et limite la sensation de l’air climatisée perlant le poil de l’avant-bras. On enchaine même sur une course poursuite, deux flics et un suspect, exténuante. La vitesse et la dynamique est comme chauffée en chaleur. Effet Joule sur trois personnes, deux flingues et une baltringue qui tente de raisonner un type qu'il suspecte d'être un meurtrier en série, ben ouais rends toi mon gars, tu vois bien que t'es coincé. Ca saute aux yeux, les coréens sont beaucoup moins à l'aise avec les armes traditionnelles : le flic laisse le suspect se retourner et le braquer alors qu'il le tient en joue, la tension s'écroule, le poulet geignard geint, l'autre flic colle une balle dans la tête du méchant. Ca explose sur la caméra et ca fait office d'écran titre. Yeah, ça commence, Crying Fist mis à part, Ryoo n'est jamais aussi bon que lorsqu'il ne se prend pas au sérieux.

 

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Le problème, c'est que Ryoo montre un peu trop ouvertement qu'il se tamponne du récit, il n'a d'ailleurs pas écrit le scénario. C'est une route pour ses cascades et il nous indique les panneaux direction avec une légèreté qui frôle parfois le foutage de gueule : « On est dans la merde avec cette affaire. On a quelqu'un de parfait pour ça. Et en plus il ne vient pas de l'académie de police, vraiment parfait pour une mission spéciale ». Y a pas pire que les dialogues explicatifs. Au fond Ryoo Seung-wan n'est pas le frère de Ryoo Seung-beom pour rien : lui, que ce soit en procureur super classe ou en bad boys rasta, il a toujours l'air de se foutre de ta gueule. Nous sommes de très gros fans. Et puis, hasard ou pas, ses costumes, très chics, se fondent dans le décor. Beaucoup de goût. Et ça fait plaisir de voir ces deux frères, et plus généralement la Bande à Baader de Seung-wan. Petite explication : Ryoo est le genre de mec qui utilise souvent les mêmes acteurs. C’est généralement un bon signe : on ne change pas une équipe qui gagne. L’année dernière, au Festival Franco-Coréen du Film édition 2010, alors qu’il était invité, nous lui avions demandé pourquoi il utilisait généralement la même équipe type. Il nous avait alors répondu qu’il était très satisfait de leur boulot, qu’il ne les payait pas chers, et qu’ils étaient content d’avoir du taf. Surtout, il se disait qu’en prenant des acteurs peu connus, il espérait un retour sur investissement en cas de succès. Bon, parmi toutes ces raisons, certaines doivent certainement être fausses. Quoique. En tous cas, vous n’échapperez pas à une présentation rapide de la Bande à Baader de Seung-wan :

 

La bande à Baader de Seung-wan

 

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Hwang Jeong-min : The Unjust, un petit nouveau qui tient la barre, mais qui manque peut-être de l’ironie insolente qui fait le succès des castings de Ryu. Avis défavorable à l’intégration dans la bande à Baader de Seung-wan.

 

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Yu Hae-jin : The Unjust, un petit nouveau qu’on espère voir durablement intégré dans la bande à Badder de Seung-wan tant il est par son physique et son jeu, dans le genre des films du réalisateur. Une tête qui ne laisse pas indifférent, l’air d’être toujours un peu ennuyé, toujours un peu en avance sur ce qu’il se passe. Un indigné à sa manière.

 

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Im Won-hee: Crazy Lee, Crying Fist, No Blood No Tearset Die Bad. Un vrai gars de la bande à Baader de Seung-wan. Etant donné la tonalité du film, sa présence eut été exceptionnelle. Mais elle aurait vraisemblablement fait pencher le barycentre vers la comédie. Absolument fantastique dans Crazy Lee qu’on a pu voir au FFCF 2010.

 

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Park Seong-bin : présent dans la première version de Crazy Lee, le court-métrage Dachimawa Lee, et faisant partie de l’aventure expérimentale scellant la bande à Baader de Seung-wan, Die Bad, il a pris ses distances depuis. Peut-être parce qu’il n’a pas le niveau. Guivarc’h va.

 

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Kil Kang-ahn : No Blood No Tears, Arahan, Crying Fist, The City of Violence, Crazy Lee. Très présent, mais relativement inaperçu. Gagnerait à être remplacé Yu Hae-jin, comme ça, d’un coup, en mode ligue master PES.

 

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Ko Bon-woong : The Unjust, Crying Fist, Crazy Lee. Et qu’on a pu voir dans The Chaser de Na Hong-jin. Un visage anguleux et expressif qui accroche. Dans les films de Ryu Seung-wan, il y a souvent un aspect « la vie a laissé des traces ». Plutôt discret, mais terriblement efficace. Une sorte de Claude Makélélé.

 

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Jeong Jae-yeong : No Blood No Tearset Die Bad. Présent à l’origine de l’aventure, il se montre plus tendre par la suite (Welcome to Dongmakgol). Une trajectoire à la Gourcuff.

 

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Kim Su-hyeon : The Unjust, Crazy Lee, City of Violence, Crying Fist, Arahan, No Blood No Tears, Die Bad. La petite touche qui fait la différence. La langue de pute de la bande. Le traitre sympathique, la face de cake, la tête de nœud. Charmant comme un coup de poignard dans le dos, rire malicieux glué aux lèvres, sournois comme une ondulation de vipère. Tout simplement génial. Les films de Ryoo Seung-wan manqueraient de sel, de poivre, ou de harissa, sans lui. Le Filippo Inzaghi, indéniablement.

 

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Ryu Seung-Beom : évidemment, « une affaire de famille » comme dirait Calbo. The Unjust, Crazy Lee, Crying Fist, Arahan, No Blood No Tears, Die Bad, et Dachimawa Lee. Sinon, maman aurait fait la gueule. What else ?

 

Fin de la parenthèse.

 

The Unjust opte donc pour une intrigue policière alambiquée qui à la base n'a rien de complexe mais qui au fil des minutes se complique sérieusement. Le genre de coup à se faire bouffer par son scenario et à laisser trois milliards d'indices pour être sûr que la mamie du fond suive bien le déroulement de l'action « Mais c'est qui lui ? Et pourquoi il est là maintenant ? ». Au niveau du scénario y a pas mal de trucs qui fonctionnent bien, c'est assez troublant de se retrouver devant un film où l'on ne sait jamais avec qui se mettre en « empathie » : qui est le gentil ? Qui est le héros ? Entre le procureur et le flic ripoux on hésite pas mal. « Gangster moderne, c'est juste ajouter quelques zéros » et c'est vrai que Ryoo Seung-beom, dans le genre salopard en haut de l'échelle, mériterait bien qu'on lui tire les oreilles, mais il a tellement l'air de s'amuser qu'il est difficile de le trouver antipathique. En bas de l'échelle, on a le flic à l'ancienne, qui fricote avec la mafia, qui se salit les mains dans l'intérêt général, une figure classique à la Vic Mac Key mais qui, à l'écrasement d'une tête sur une plaque chauffante, préfère l'indémodable balayette et le chassé dans le tibia. Bref un type qu'il est impossible mépriser complètement.

 

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Et l'intrigue se déroule, et Ryoo Seung-wan s'amuse à faire des cascades et des blagues. Au fond, c'est ce qu'on aime : les flics qui s'engueulent en plein commissariat comme dans une cours de recré, des freezes à chaque fois qu'un nouveau personnage apparaît avec son nom et sa fonction qui s'inscrivent en bas l'écran, le coup de la bière pression maison, des mouvements caméras souvent gratos mais bien sympas, le procureur qui se planque comme un gosse derrière son siège quand le boss vient l'engueuler, etc. Il s'amuse mais il n'oublie pas non plus les quotas du cinéma coréen, en moins de quinze minutes il nous lâche une bonne grosse kèche comme on les aime, une scène de beuverie et un karaoké. C’est toujours facile de faire des rapprochements, c’est pourquoi nous ne nous gênerons pas. Il y a dans ce réalisateur un peu de Tarantino, les mouvements de caméra et les dialogues en moins. Ou un John Woo relevé d’un Guy Ritchie.

 

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On notera encore une fois que les coréens ont un talent indéniable pour les coups de pression, chacun à le droit son heure de gloire dans le film, sauf l’indécrottable sous-fifre qui sert de paillasson et de souffre douleur à tous ceux qu'il a le malheur de croiser. Humour méchant, gratuit et animal, miam. Ryoo Seung-wan propose aussi une intéressante étude du kick dans le tibia. Alors que la société pourrie dans laquelle nous vivons nous avait appris, dès le plus jeune âge (école pour les plus précoces, collège pour les autres), le classique « pointard dans le tibia », le mouvement qui prévaut dans The Unjust est plus subtil puisqu’il s’agit du « chassé dans le tibia ». Et là oui, on dit « nouveau ». Foutre un chassé au niveau du tibia, ce n’est pas simple. Plus amplement, The Unjust taille la part belle aux balayettes, extrêmement chorégraphiées, très dansantes, de véritables valses aériennes, à l’horizontale. Et quand Ryoo Seung-wan régale, c’est très simple, il combine : une « balayette-chassé au tibia ». Essayez d’imaginer, ou allez voir le film.

 

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Pour boucler rapidement l'affaire des viols, le flic, qu'on appellera Vic, trouve un homme de paille parmi les suspects et charge son pote de la mafia de le faire avouer. Une stratégie de court terme qui se révélera assez foireuse d'ailleurs. On nous présente ce coupable tout trouvé avec une nuance moins assumée que pour les autres personnages : sur le papier c'est un salop condamné pour viol et agression d'une mineur il y a longtemps mais apparemment il se serait rangé et consacrerait tout son temps à s'occuper de sa femme malade et de sa fille et c'est comme ça qu'on nous le montre. Ca fait presque de la peine de le voir se faire savater par les sbires du mafieux, on a peut-être trouvé quelqu'un avec qui se mettre en empathie, au détail près que ce n'est pas vraiment un bon père de famille à la base. En tout cas on s'applique à maintenir tous les personnages dans une gamme de gris, des gris un peu sombres il faut bien l'avouer.

 

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Le film aurait pu être sympa, on aurait même pu passer outre la musique qui souligne chaque émotion avec la finesse d'un éléphant et qui, sur certaines scènes « policières », semblent s'inspirer directement de Starsky et Hutch et d'autres séries cultes des années 80. Le film aurait pu, mais comme dirait un de nos amis bloggers « quel dommage... mais quel dommage », quel dommage que Ryoo Seung-wan (ou son scenariste) m'ait laissé malade sur le bord de la route au détour d'une scène où, attention SPOILER, Vic le flic tue le seul gentil flic de l'histoire à cause d'une balayette ratée. Les deux bonhommes tombent hors champs et on entend un coup de feu, on laisse planer le suspens quelques instant et j'ai prié pour que ce ne soit pas encore le « héros » qui survive et le gentil naïf qui meurt bêtement. La fin est mécanique. Quel dommage, mais quel dommage !

 

Sans Congo & Joy Means Sick

 

 

 

 

 

 

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commentaires

J
<br /> Erreur corrigée, c'est vrai que ça faisait tâche. Merci pour la lecture attentive Pierre !<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Effectivement Pierre, c'est une fausse manip, merci pour le rappel à l'ordre (dis donc en ce moment tu laisses passer aucune faute). Bon sinon de là à reprendre Thierry ROland: "Il n'y a rien qui<br /> ne ressemble plus à un Coréen qu'un autre Coréen, surtout habillé en footballeur, d'autant plus qu'ils sont tous bruns et qu'ils mesurent tous 1 mètre 70." ...<br /> <br /> Et sinon Audric, il est pas négatif l'article non plus; y'a beaucoup de bon dans le film, après c'est vrai que c'est pas son film le plus bandant<br /> <br /> <br />
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A
<br /> et ba il s'en prend plein la tete ce film... Dire que j'ai le dvd et que je n'ai pas encore regardé...<br /> <br /> <br />
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P
<br /> C'est quoi cette photo de Lee Byung-hun à la place de Jeong Jae-yeong :D<br /> <br /> <br />
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